Je dois bien évidemment vous dire que je n’en ai rien fait jusqu’à présent parce que, pour ce qui me concerne, je pense que lorsque l’on amène, en tant que bénévole son aide dans ces circonstances, c’est un acte qui reste discret et qui n’a aucunement besoin de publicité ou de visibilité.
D’ailleurs, il y a eu, et il y a tant de bénévoles qui ont posé -et qui posent encore- des gestes gratuits sans qu’on le sache… qu’ils en soient remerciés.
Néanmoins, plusieurs personnes qui m’ont côtoyé dans le cadre de cette aide par rapport à ce sinistre, m’ont invité à témoigner…
Comme d’autres, j’ai apporté mon expérience, tirée de ma sphère de compétences. Plusieurs de mes confrères et consoeurs ont également amené leur soutien dans différentes localités, en tant que gestionnaire de communication de crise.
Peu de gens connaissent mon apport à ce jour… et c’est très bien ainsi. Mais c’est plutôt de la technique, des outils mis en œuvre ainsi que des difficultés rencontrées dont j’ai envie de vous parler aujourd’hui, de manière telle à ce que ce partage puisse servir à d’autres. Pas -je l’espère – dans des conditions aussi désastreuses mais peut-être pour des éléments plus proches.
Ma démarche a pour but d’aider à comprendre l’usage de différents outils qui sont sous nos yeux et dont parfois la combinaison pourrait nous échapper.
Ce récit commence bien loin de la Belgique… puisque dans les premières semaines de juillet, comme d’autres, je suis en vacances… l’île de Zakhyntos est connue pour sa plage accessible uniquement par la mer et qui protège aujourd’hui une épave rouillée, devenue, au fil du temps, quasi l’emblème de cette île grecque. Un spot, un endroit « instagrammable », comme on dit aujourd’hui.
Mais toutes les bonnes choses ont une fin et nous quittons l’île grecque et son soleil le 13 juillet… A Bruxelles, où notre avion atterrit à 21 h, l’accueil est bien belge : le ciel est gris et il pleut … Oh, il ne pleut pas à verse mais une pluie soutenue nous rappelle que nous sommes rentrés… une navette nous prend en charge.
Notre chauffeur nous indique la situation catastrophique que connaît notre pays « voilà plusieurs jours que ça dure … on parle d’inondations … les eaux montent »… nous sortons de notre bulle rapidement. Les nouvelles sont inquiétantes, mais le belge est habitué à la pluie … et ça n’est pas la première fois que l’été est perturbé par des épisodes orageux …
Nous ne savons pas, alors que l’IRM a émis une alerte de code jaune le 12 juillet : « J’étais convaincu qu’il allait se passer quelque chose de grave » explique David Dehenauw, chef du service scientifique prévisions du temps à l’IRM.
Nous ne savons pas alors l’ampleur de ce qui se prépare, alors que des cours d’eaux ont déjà monté dangereusement, nous retrouvons notre lit, non sans avoir pris connaissance des informations avec les rediffusions des journaux télévisés ; les barrages sont déjà sous la loupe … permettront-ils de gérer cette situation qui s’annonce tout à fait hors norme ?
Durant la nuit, les communes dans le bassin de l’Ourthe et de la Vesdre activent leur plan communal d’urgence. Un problème est soulevé par la gestion des voies hydrauliques de la Région wallonne : le barrage de Monsin, sur la meuse, est en réfection : 4 de ses 6 portes sont bloquées et cela risque d’empêcher l’ écoulement « normal » du fleuve… à ce stade, rien n’est déjà plus normal.
A Pepinster, la Hoegne est déjà montée très haut depuis plusieurs jours La commune est au confluent de la Vesdre et de ce cours d’eau. Cette particularité va faire de Pepinster l’épicentre de la catastrophe. Le plan d’urgence y est déclenché à 10 h. Mais le pire reste à venir…
Face à la montée des eaux, les gestionnaires du barrage d’Eupen sont désemparés : « si on ne lâche pas de l’eau, tout le surplus que nous devrions récolter va directement s’écouler dans la vallée de la Vesdre, nous n’aurons plus le contrôle ».
A quelques encablures de ce barrage, l’entreprise Corman produit des Crèmes et du beurre Vincent Mazy, directeur de l’usine Corman à Baelen, non loin du barrage d’Eupen. L’entreprise, productrice de crèmes et de beurre (notamment le fameux beurre Balade) emploie 400 personnes dans la région et consomme près de 10% de la production laitière belge. Son directeur, Vincent Mazy et ses équipes vont évacuer évacuer l’usine au cours de la journée de mercredi, construire une digue de 4 mètres 50 de haut avec un canal de dérivation vers un terrain de deux hectares qui peut faire tampon en cas d’inondation normale. Dans la partie de l’usine plus en amont, des ‘cubitainaires’ de matière grasse qui font 1 tonne chacun… on ne sait pas, à ce moment, le « voyage qu’ils vont entamer »…
Nous sommes jeudi,
L’eau a continué à monter, naturellement, mais le barrage s’est aussi délesté . Les informations communiquées par les médias décrivent l’ampleur de la catastrophe.
Face aux images diffusées, je réagis spontanément : j’envoie un SMS à Philippe Godin, le Bourgmestre de Pepinster ; « Philippe si tu veux un coup de main pour ta communication de crise, n’hésite pas … » . J’imagine qu’il va en avoir besoin, je n’imagine pas le moins du monde la situation que je vais découvrir…
Evidemment pas de réaction du Bourgmestre de Pepinster… je l’imagine débordé… je n’ai donc pas de nouvelle jusqu’à samedi. Où je reçois ce message : merci pour ton message, peux-tu venir dans les meilleurs délais à l’hôtel de Police.
J’ai beau être presque un régional de l’étape comme on dit au tour de France, je ne sais pas où se trouve l’hotel de police. 2 sms plus tard, j’ai l’adresse du siège de la zone de Police Vesdre… Après avoir montré patte blanche, c’est une ruche que je découvre… j’arrive dans la salle où se tient une réunion de coordination … il y a eu des morts… et des corps emportés par le courant… dieu seul sait où ! Je reconnais la Bourgmestre de Verviers, on me présente le chef de corps…
La réunion terminée, on s’isole avec Philippe Godin et la Directrice Générale de l’administration communale. Non seulement la situation est catastrophique, mais en plus, il n’y a plus de moyens d’action : les véhicules et matériels des services travaux ont été inondés, les locaux de l’administration ont également été touchés… Ils décident de me donner les clefs de leur Communication : il faudra rassurer la population, l’informer dans un contexte hors norme, sans précédent pour ce qui me concerne et, probablement, sans précédent pour la plupart de mes homologues.
Les éléments que je vais alors mettre en place, je ne pensais jamais les utiliser en ces circonstances.
Vous allez mieux comprendre dans les prochaines publications de ce récit et de mon partage d’expérience.